L’atelier lyrique belge "Camera Lirica" offre à des jeunes chanteurs ou chanteuses fraîchement issus des Conservatoires, l’occasion de jumeler leur talent tout neuf avec celui d’artistes plus chevronnés et rôdés à la scène. La troupe de la "Camera Lirica" ainsi constitués, présente chaque année un ouvrage lyrique dans plusieurs salles de la couronne bruxelloise. C’est "La Vie Parisienne" – partition sans nul doute la plus populaire d’Offenbach, devenu depuis la création de la Compagnie, en 1995, son compositeur de prédilection – qui a été mise à l’affiche cette fois. On pouvait supposer qu’après avoir brillamment franchi les difficultés du trop rare "Pont des Soupirs" l’an dernier, la "Camera Lirica" sombrait soudain dans la banalité offenbachienne … Ce serait ne pas connaître l’ingéniosité et le perfectionnisme de Madame Blanche Gérard et de sa Compagnie de passionnés qu’elle met en scène et dirige avec savoir et efficacité… Loin de se limiter à présenter la rituelle seconde version de cette "Vie Parisienne" qu’Offenbach réduisit – contre son gré – à 4 actes, en 1873, les investigations déterminées de Madame Gérard, permirent de faire découvrir (ou re-découvrir) des pages de la première version en 5 actes, créée en 1866. Avec quel plaisir n’avons-nous pas ainsi pu entendre, notamment, le fameux rondeau de la baronne de Gondremarck : "Je suis encore toute éblouie…" qui retrace sa soirée aux Italiens. Cet air aussi rare et raffiné que fort exigeant, a été interprété avec beaucoup de conviction par Tatiana Donnets. Les chœurs ont vite surmonté quelque éphémères flottement grâce à la baguette habile de Norbert Brochlagen, à la tête de l’orchestre parfois hésitant, mais qui a su, parallèlement, mettre en valeur les voix absolument délicieuses de Laurence van Bellingen (Gabrielle) et de Sophie Mersch (Pauline). Marc Chapel a fort bien maîtrisé son Brésilien et ses fameux couplets du premier acte. Quant à Richard Masset, son incarnation de Gondremarck a fait passer avec beaucoup d’esprit l’avidité de ce baron à vouloir "s’en fourrer jusque-là…" au milieu des comtesses et marquises… en réalité toutes domestiques – caricature de l’aspect factice de la noblesse d’Empire finement "croquée" par la plume des librettistes Henri Meilhac et Ludovic Halévy, trop souvent "revisitée" mais respectée ici, avec truculence et sagacité. Cependant, cette production nous réservait une toute autre innovation… La gymnastique organisée en robes aux dessous bigarrés et rythmée de cris suraigus que l’on appelle "french-cancan" a eue la bienséance de ne pas s’inviter. Enfin… enfin… une Vie Parisienne débarrassée de cet ajout inutile et apocryphe, résultant des méfaits des fausses traditions qui lui sont liées, nées dans les années 1900, sur les scènes des cabarets parisiens…. Presque 40 ans après la naissance de l’ouvrage d’Offenbach et 20 ans après la mort de celui-ci ! En revanche, quelle réussite pour l’imaginative chorégraphie qui, loin de toute vulgarité, avec charme et élégance et sans briser la gaîté de l’action, a pris ici l’aspect d’une sorte de grande farandole joyeuse et entraînante à souhait, guidée par les charmantes ballerines Valérie et Sophie Duchamps. Il fallait oser cette gageure ! Madame Gérard et sa "Camera Lirica" ont gagné leur pari si l’on en juge par les crépitements d’applaudissements et les rappels qui achevèrent cette vie Parisienne, dans un "plaisir… à perte d’haleine ! ". |